top of page
1.jpg

La société romaine vue à travers les catacombes de Rome

Anchor 1
Bon-Pasteur-voute-catacombe-Priscille-IIIe-IVe-siecle_0.webp

1400 ans nous séparent

Les sous-sols de la capitale italienne sont riches d'un patrimoine singulier. Des dizaines de kilomètres de galerie ont été la dernière demeure de centaines de milliers de romains durant l'Antiquité tardive.

Nous vous invitons à travers ce projet à découvrir ce que ces lieux nous apprennent sur la société qui les a conçus.

Histoire

A la fin du XVIe siècle, l’archéologue italien Antonio Bosio découvre par hasard les catacombes de Rome, oubliées depuis le IXe siècle car inusitées depuis les VIe et VIIe siècles. Il entreprend alors un immense travail de recherche pour mieux les appréhender, petit à petit, et les faire redécouvrir à la population. Par la suite, ses successeurs, peu soucieux de la recherche effectuée auparavant, pillent chaque pièce intéressante pour les afficher dans des musées. Au XIXe siècle, Giovanni Battista de Rossi, archéologue italien, devient le seul découvreur des catacombes de Rome puisqu’il reprend minutieusement le travail de Bosio et le complète. Par son étude scrupuleuse, il met au jour des inscriptions datant du XVe siècle au nom de “Pomponio Laeto et autres savants de la Renaissance” -appelés antiquitatis perscrutatores et amatores- qui seraient revenus au paganisme et auraient donc été surveillés par le pape. Cachés dans les catacombes, ils auraient organisé des réunions secrètes, ce qui est étrange lorsque l’imaginaire collectif présente le tableau inverse: des chrétiens cachés d’un empereur païen et persécuteur. Mais pour mieux comprendre cela, revenons quelques siècles en arrière…

 

Au IIe siècle après Jésus-Christ, l’augmentation de la population s’accompagne d’un changement dans les pratiques funéraires. Les cultes orientaux étaient alors très populaires à Rome, apportant ainsi la coutume d’enterrer les défunts dans des hypogées. De plus, ces derniers présentent l’avantage de pallier au manque de place qui résultait d’une saturation des bords des voies et de l’abandon de l’incinération au profit de l’inhumation.

Depuis 449 avant JC, la table X de la Loi des Douze Tables interdit l’inhumation dans les limites de la ville (HOMINEM MORTVVM IN VRBE NE SEPELITO NEVE URITO) pour des raisons sanitaires. Les sépultures trouvent ainsi leur place à l’extérieur du pomerium, limite sacrée entre la ville et le territoire qui l’entoure, ce qui, durant l’Antiquité tardive, correspondait au mur d’Aurélien.

Les premiers cimetières hypogées furent créés dans d’anciennes carrières de tuf, ce qui leur valu l'appellation ad catacombus, c’est-à-dire “près de la carrière”. Elle donna naissance au mot “catacombes” qui devient générique à partir du Xe siècle. Ce qui, au départ, consistait en une série de fosses surmontées de mausolées en surface, devint un ensemble de complexes souterrains dont le potentiel est illimité, puisqu’il est possible de creuser à l’infini et ainsi d’étendre les galeries au fur et à mesure des inhumations. On estime qu’à Rome se trouve entre 600 et 900 kilomètres de galeries, réparties sur 65 catacombes. De nombreux auteurs du XIXe siècle remettent en question le caractère uniquement chrétien des catacombes, s’appuyant sur la forme des galeries qui éviteraient les filons friables de pouzzolane pour creuser dans une pierre plus spongieuse et dure, actions insensées pour l’exploitation de matériau dans une carrière. De plus, aucune tombe païenne n’avait été découverte à l’époque, mais cela était sans compter l’évolution de l’archéologie et des techniques scientifiques. Cependant, les fouilles ont mis au jour une inscription au-dessus d’un arcosolium: “Là est enterré le prêtre du dieu Sabazios, Vincentius, qui exécuta pieusement les rites sacro-saints”. Cela prouve ainsi que les catacombes n’étaient pas exclusivement chrétiennes.

20220407_144448.jpg

Plan de la Via Appia et des parcs archéologiques qu'elle dessert

Géographie

Fabiola.jpg

L’emplacement des catacombes ne doit rien au hasard. En effet, il peut être dû à un acte de charité, c’est-à-dire la mise à disposition du sous-sol d’un terrain par un propriétaire, à un achat commun, à un don à une communauté, ou encore à un achat par une institution comme l’Église de Rome. Le cadastre permettait ainsi de connaître avec exactitude l’emplacement de chaque catacombe. Cette connaissance précise des catacombes par l’administration romaine décrédibilise complètement le mythe selon lequel ces lieux servaient de refuge pour les chrétiens persécutés. Il est même rapporté que le pape Sixte et le diacre Laurent furent arrêtés dans l’une d’elle. Ce mythe fut en grande partie relayé par le cardinal Nicholas Wiseman et Henryk Sienkiewicz, avec leurs ouvrages respectifs Fabiola (1854) et Quo vadis ? (1896). Il est certain que les galeries ont été creusées par les fidèles mais pour entretenir le mythe, on raconte que les carrières utilisées étaient reliées aux catacombes pour pouvoir entrer et sortir sans éveiller les soupçons. Tertullien expose dans son ouvrage Ad natura que les réunions destinées à célébrer le culte étaient souvent interrompues, car des espions avaient averti les magistrats qui se dépêchaient d’envoyer des soldats afin de violenter ces hérétiques. Pour cela, il écrit: “Vous connaissez le jour de nos réunions, vous avez l'œil sur nous jusque dans nos assemblées les plus secrètes; aussi venez-vous souvent pour nous surprendre et nous accabler.” Ces malheureux frappés étaient souvent enfermés dans des cavités où ils mourraient de faim. Afin de leur rendre hommage, le pape Damase a ouvert des “fenêtres” pour voir les cadavres de ces fidèles et les prier.

Diversification des cultes

Le mythe de persécution balayé, il est important de préciser qu’il y avait une liberté de culte à Rome, ce qui permet d’observer aujourd’hui des sépultures païennes et chrétiennes. La différence est que les païens sont enterrés entre famille alors que les chrétiens sont enterrés dans un même hypogée, comme une grande famille dont le seul lien est la religion (esclaves, barbares, citoyens libres, affranchis, Grecs, Romains, etc). Une autre différence était que les hypogées chrétiens et païens présentent des cavités fermées par des plaques de marbre ou de briques portant le nom du défunt. En effet, les fidèles grouillaient constamment dans les galeries afin de visiter leurs défunts ou de prier sur la tombe d’un martyr. Cependant, le sépulcre juif n’était ouvert que lorsqu’il y avait inhumation, et il était ensuite scellé par une grosse pierre roulée à l’entrée. Cela permet aux archéologues de définir le type et le culte de chaque tombe. De plus, il n’y a pas d’expansion écrite sur les épitaphes chrétiens, comme les païens romains le faisaient en exposant leur rang social et leur métier. Lactance, apologiste chrétien du IIIe siècle écrivait: “Il n’y a parmi nous aucune différence entre le pauvre et le riche, l’esclave et l’homme libre. Nous nous donnons le nom de frères, parce que nous croyons être tous égaux”. Ajouté à cela le fait que chrétiens et païens soient enterrés ensemble, nous pouvons nous demander comment il est possible d’étudier et de comprendre la société romaine du IIe siècle à l’Antiquité Tardive -période d’abandon des catacombes- à travers l’étude de ces cimetières souterrains chargés d’histoire.

 

Maintenant, laissez-vous happer par le vent de l’Histoire, et suivez-nous dans les profondeurs de l’Urbs Antique…

​

​

N.B.: Les termes qui ressortent sont à retrouver dans le lexique...

Sources:

​

Boissier, Gaston. « Les catacombes (Chap III) ». In Promenades archéologiques. Hachette, 1880.

Coarelli, Filippo. « La Via Appia (Chap XIII) ». In Guide archéologique de Rome. Hachette, 1998.

« Catacombes de Rome ». In Wikipédia, 6 janvier 2022. https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Catacombes_de_Rome&oldid=189615838.

« Catacombes 2 ». Consulté le 23 avril 2022. http://romechretienne.fr/catacombes-2.html.

Geographics. Roman Explorations I: The Christian Catacombs of Rome, 2020. https://www.youtube.com/watch?v=pB_jJmcsDyQ.

Enquete d’ailleurs. (2.7) Enquête d’ailleurs - Rome, les premiers chrétiens, 2016. https://www.youtube.com/watch?v=_khp7LPdhFU.

Février, Paul-Albert. « Recherches récentes sur les catacombes de Rome (Art et société de l’Antiquité tardive à Rome : III e et IV e siècles) ». Revue Historique 239, no 1 (1968): 1‑18.

Rebillard, Éric. « L’Église de Rome et le développement des catacombes. À propos de l’origine des cimetières chrétiens ». Mélanges de l’école française de Rome, 1997, 741‑63.

bottom of page